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Macchabées génétiquement modifiés - Chapitre 1

« Salope vérolée!   Ostie de chienne sale! Horrible morue putréfiée! Danseuse de bar de routiers du fond de l’Abitibi! » Non, décidément rien n’y faisait. Les insultes les plus simples comme les plus élaborées semblaient insuffisantes pour décrire la rage que lui inspirait la responsable du massacre qu’il avait sous les yeux. L’inspecteur Tessier douta même qu’il existât à travers l’univers une civilisation suffisamment avancée dans l’art du juron pour trouver les mots justes. Parfois, le vocabulaire si fleuri soit il ne suffisait tout simplement pas. Il tourna le dos au lit d’hôpital et ses yeux tombèrent sur un autre spectacle désolant. À travers la fenêtre grise de la chambre d’hôpital,  les nuages déversaient des hordes de trombes grises sur la vallée de l’Outaouais dont le sol gorgé se parerait bientôt d’une épaisse toison estivale. Les gouttes tombaient comme des kamikazes pissés par le ciel sur la terre. « Geronimo! » murmura l’inspecteur pensif.  « Qu’en dis tu Barboui
Articles récents

L’ombre de Luma (Extrait Choisi)

Les rayons détrempés du soleil nu bondissaient sur le bitume défoncé de la route 132, transperçant avec mollesse la brume lourde et poisseuse qui planait au ras des roseaux, pourchassant les ombres fugaces du matin jusqu’au cœur des buissons endormis. Au milieu de la plaine fantomatique, un homme seul avançait d’un pas résolu, une étrange cargaison calée sous le bras. Henri-Paul D’amours s’arrêta un instant et huma l’air chargé des relents nauséabonds du marais de Baie au Chêne qui flottait lassement vers Pointe à La Croix au gré d’un vent sourd et changeant. Tout autour de lui, la campagne muette retenait son souffle, ourlée du silence anormal de la Première Nation Listuguj. D’ordinaire joyeuse, la troisième solitude locale semblait métamorphosée pour une raison connue des seuls Micmacs et qui, si on l’avait évoquée à voix haute, aurait paru parfaitement déraisonnable. À l’heure des nanotechnologies et de la médecine moléculaire, comment prêter crédit à une rumeur légendaire, commen

Le ver est dans le fruit (Extrait choisi)

Frank porta la main vers la douleur et sentit le sang chaud s'écouler de son pavillon. Affolé, il courut vers la salle de bain. Il s'examina longuement dans le miroir, essuyant minutieusement le mélange d'humeurs qui sourdait de son stigmate auriculaire. L'hémorragie s'arrêta et Frank entreprit de nettoyer la plaie. Une fois qu'il l'eut désinfectée et pansée, et alors qu'il s'affairait à rincer le lavabo, un filament jaune vif au milieu des tissus souillés de rouge carmin attira son attention. Non, corrigea-t-il, pas un filament, un vermisseau qui se tortillait avec frénésie. Horrifié à l'idée qu'un parent de la bête ait pu faire son nid dans son crâne et y déposer une couvée dont celui-ci n'était que l'annonciateur, Frank se saisit du petit annélide, l'emprisonna dans sa boîte à lentilles de contact et fila chez son médecin de famille.

Darwinator, Prologue

Les rues de Montréal, au froid soleil d'avril, miroitaient d'éclaboussures dégoulinantes et de flaques de sloche noire salée. Les trottoirs marrés d'embûches ressemblaient à un champ de bataille où le piéton imprudent se voyait livré à une collection de dangers à géométrie et conséquences variables allant d'une simple chaussure inondée à une chute sévère pouvant s'avérer mortelle. Partout, la peau blanche de l'hiver avait entamé sa déliquescente décomposition, une putréfaction répugnante qui réjouissait la majorité des badauds. Marc-André Tessier, lui, n'y trouvait aucun réconfort, aucune poésie. Il ne partageait ni ne comprenait l'engouement délirant des gens pour cette saison, humide et froide, où l'air vicieux semblait s'être donné pour unique mission de s'immiscer par la moindre échancrure, vous transperçant la chair jusqu'aux os pour dérober votre chaleur la plus intime. "Saleté de printemps", maugréa-t-il en relevant

Gang de Cochons - Chapitre I

L'espoir mince, s'amenuisait à mesure que les jours raccourcissaient et que les flocons s'amoncelaient, impitoyables, couche après couche, avec la patience et le sadisme de millions de bourreaux miniatures et étoilés, passés maîtres dans l'art de la torture mentale. Bien que l'hiver arctique n'eût pas encore tout à fait enserré l'Outaouais dans sa poigne glacée, l'étouffement serait bientôt inéluctable, l'air froid à vous brûler la gorge, quasiment irrespirable. Déjà, la vaste majorité des pistes avait disparu sous un fin manteau blanc et avant la fin du mois, les cyclistes les plus acharnés renonceraient. Comme à son habitude, l'homme serait parmi les derniers à remiser sa monture, parmi les derniers à abdiquer. Mais pour le moment il pédalait encore, les larmes aux yeux et le visage cramoisi, battu par le vent polaire qui planait sur la rivière et s'engouffrait derrière le musée des civilisations, face aux flèches escarpées du parlement c

Le Caprice de Timothée Laforteresse (Extrait Choisi)

Il essuya ses yeux, touché par la candeur et l'attention spontanée que lui témoignait l'enfant. Ce faisant, il remarqua qu'elle observait ses mains couvertes de peinture et de larmes. Il les leva à la hauteur de son visage pour qu'elle puisse les examiner à loisir. - Vous aimez la peinture, Tim? - C'est mon métier, ma passion mais aussi et surtout, la cause de mon désarroi. - Vraiment? Lui demanda Lucie curieuse. Et que peignez-vous? Des portraits? Des paysages? - Non, des caprices.  Confronté à la moue dubitative de la petite, le peintre élabora. Un caprice, expliqua-t-il, était un savant mélange de réalité et de fiction, un tableau utilisant comme toile de fond un décor le plus souvent citadin et emblématique auquel se mêlaient des éléments oniriques issus de l’imagination de l’artiste. L’italien Canaletto avait été l'un des maîtres incontestés de la discipline avec Venise comme cadre de prédilection. Quant à Timothée, c’était des endroits connus

Livre d'Or (Extrait Choisi)

Chaque année le cycle revient, chaque année de pauvres hères insouciants viennent se faire occire sous ce toit. Ils disparaissent sans laisser de traces, sans éveiller le moindre soupçon. Les forces de police de Nola sont forcément complices, ne leur faites pas confiance! Ne soyez pas les prochains! Quand vos proches viendront poser des questions, Ils diront que c'est la ville qui vous a envoutés puis engloutis. Facile pour eux de blâmer une cité qui n'a ni dents ni ongles. Les choses inanimées ne peuvent pas plus protester contre une fausse accusation qu’elles ne peuvent nourrir de noirs desseins. Ce sont les êtres qui tuent...