Artie avait appris à écouter alors qu'il n'était encore qu'un oeuf. A travers les membranes et les couches concentriques de son enveloppe protectrice, les premiers sons qu'il perçut se résumèrent tout d'abord à un sourd murmure. Mais, petit à petit, au fur et à mesure que son cerveau apprenait à assimiler les nuances, le bourdonnement incompréhensible avait pris corps, s'était mu en un enchaînement de mots intelligibles, des bribes de conversations échangées par ses parents aux comptines qui leur étaient adressées à sa soeur et lui. Chez les Oatzins, l'apprentissage du langage se faisait in ovo , ce qui expliquait pourquoi Artie avait été capable de communiquer avec ses parents dès son éclosion.
Tout au long de son développement embryonnaire, il avait aussi su écouter d'autres bruits plus intimes, comme ses premières pulsations cardiaques ou bien encore le sifflement de l'air inspiré au travers de la chambre pneumatique. Ces musiques corporelles avaient été pour lui les plus intrigantes jusqu'au craquement fatal de sa coquille.
Mais ce qu'Artie aimait écouter par dessus tout, c'était les histoires de grand père Julius, véritable mémoire vivante du village Oatzin où il était né. Comme en témoignait son nom atypique, donné en baptême par les dieux en personne, Julius n'était pas né de la dernière lune. À 105 ans, il était le dernier ancien encore en vie à se souvenir de l'époque où les dieux foulaient encore leur terre. Tous les soirs de pleine lune, la petite communauté se rassemblait pour commémorer leur paradis perdu et c'était alors l'occasion rêvée pour grand père Julius de faire la démonstration de ses talents de conteur. Parmi les histoires favorites d'Artie figuraient celles de Mia, la première Oatzin façonnée dans la boue par leurs créateurs omniscients, celle de Glibi, l'Oatzin qui voulut ressembler aux dieux - et faillit bien y parvenir - et enfin celle, plus contemporaine d'Indie, qui était parti il y a six cents lunes à la recherche de la cité perdue des dieux. Toutes ces légendes titillaient sans ménagement la curiosité maladive du jeune oisillon, le forçaient à rêver des nuits entières d'aventures et de découvertes plus trépidantes les unes que les autres. Si bien que les lendemains de pleine lune, Artie se réveillait toujours en une demi transe, perdu entre un monde imaginaire et celui bien réel des prédateurs qui rôdaient en nombre.
Il faillit bien y perdre la vie, un matin qu'il se prenait pour Indie, arrivant au pied des ruines gigantesques de la mystérieuse cité divine. Immergé dans son rêve éveillé, il ne vit pas le fauve à l'affût tapi au pied d'un arbre. Artie lui aurait probablement servi de repas si son meilleur ami Gamjie ne l'avait interpellé à ce moment là depuis les cieux. Le jeune Oatzin s'envola juste à temps et senti à peine l'entaille superficielle que firent les griffes acérées de la bête dans sa patte postérieure. Quand il rentra chez lui ce soir là, après une folle journée de poursuites aériennes aux côtés de Gamjie, sa mère lui demanda comment il s'était blessé à la cuisse. Jusqu'à son dernier souffle des centaines de lunes plus tard, Artie ignora qu'il était passé ce jour là très près de la mort. Le destin avait simplement d'autres plans pour lui, des plans qu'Artie, même dans ses fantaisies les plus folles, était bien loin d'imaginer.
Tout au long de son développement embryonnaire, il avait aussi su écouter d'autres bruits plus intimes, comme ses premières pulsations cardiaques ou bien encore le sifflement de l'air inspiré au travers de la chambre pneumatique. Ces musiques corporelles avaient été pour lui les plus intrigantes jusqu'au craquement fatal de sa coquille.
Mais ce qu'Artie aimait écouter par dessus tout, c'était les histoires de grand père Julius, véritable mémoire vivante du village Oatzin où il était né. Comme en témoignait son nom atypique, donné en baptême par les dieux en personne, Julius n'était pas né de la dernière lune. À 105 ans, il était le dernier ancien encore en vie à se souvenir de l'époque où les dieux foulaient encore leur terre. Tous les soirs de pleine lune, la petite communauté se rassemblait pour commémorer leur paradis perdu et c'était alors l'occasion rêvée pour grand père Julius de faire la démonstration de ses talents de conteur. Parmi les histoires favorites d'Artie figuraient celles de Mia, la première Oatzin façonnée dans la boue par leurs créateurs omniscients, celle de Glibi, l'Oatzin qui voulut ressembler aux dieux - et faillit bien y parvenir - et enfin celle, plus contemporaine d'Indie, qui était parti il y a six cents lunes à la recherche de la cité perdue des dieux. Toutes ces légendes titillaient sans ménagement la curiosité maladive du jeune oisillon, le forçaient à rêver des nuits entières d'aventures et de découvertes plus trépidantes les unes que les autres. Si bien que les lendemains de pleine lune, Artie se réveillait toujours en une demi transe, perdu entre un monde imaginaire et celui bien réel des prédateurs qui rôdaient en nombre.
Il faillit bien y perdre la vie, un matin qu'il se prenait pour Indie, arrivant au pied des ruines gigantesques de la mystérieuse cité divine. Immergé dans son rêve éveillé, il ne vit pas le fauve à l'affût tapi au pied d'un arbre. Artie lui aurait probablement servi de repas si son meilleur ami Gamjie ne l'avait interpellé à ce moment là depuis les cieux. Le jeune Oatzin s'envola juste à temps et senti à peine l'entaille superficielle que firent les griffes acérées de la bête dans sa patte postérieure. Quand il rentra chez lui ce soir là, après une folle journée de poursuites aériennes aux côtés de Gamjie, sa mère lui demanda comment il s'était blessé à la cuisse. Jusqu'à son dernier souffle des centaines de lunes plus tard, Artie ignora qu'il était passé ce jour là très près de la mort. Le destin avait simplement d'autres plans pour lui, des plans qu'Artie, même dans ses fantaisies les plus folles, était bien loin d'imaginer.
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