I
La sonde spatiale Life Storm I, trésor de technologie et fruit ultime des efforts coordonnés de plusieurs centres de recherche spatiale, trônait au milieu d’un hangar de plus de 3000m2 propriété de l’ESA. À ses côtés, le colonel Claudia Regina, responsable en chef des installations couvait du regard le fantastique appareil et écoutait attentivement les derniers résultats que lui rapportait son ingénieur, le caporal Chesterfield. Elle qui avait été l’instigatrice du programme Spreading Life assistait en ce moment même à l’une de ses premières étapes concrètes et déterminantes. Elle réfléchit au trajet parcouru depuis l’idée originale et géniale qui avait germé dans son esprit 20 ans plus tôt. Même si elle avait su donner forme à ce qui initialement n’était qu’un ensemble de mots couchés sur un morceau de papier, le chemin jusqu’à l’accomplissement total de sa création était encore fort long et semé d’embûches. Et quoi qu’il en soit, sa vie sur cette terre ne serait pas suffisamment longue pour qu’elle puisse voir le programme porter ses fruits. Le but en était à la fois fort simple et extrêmement audacieux : il s’agissait en effet d’envoyer depuis une sonde orbitale et dans toutes les directions de l’espace, des échantillons de formes de vie terrestres primitives et extrêmement résistantes pour en fin de compte participer à la dissémination de la vie dans tout l’univers. Ce procédé constituait, en l’occurrence, un moyen indirect de voyager vers d’autres galaxies. Les problèmes relatifs à la survie d’êtres humains et à la durée des voyages sidéraux étaient effacés par ce nouveau concept d’exploration par procuration.
Les perspectives étaient des plus intéressantes mais soulevaient de nombreuses questions relatives notamment au caractère incontrôlable de l’expérience et à la possible émergence de formes de vie évoluées et agressives. Néanmoins, les fonds avaient sans peine été débloqués par la communauté européenne et l’opération « Spreading Life » avait vu le jour six mois plus tard. Son résultat, que Claudia faisait maintenant passer entre ses doigts, revêtait l’aspect de petites cartouches de titane, le souffle créateur divin, qui contenait différentes espèces procaryotes et eucaryotes pour la plupart sous forme de spores assurant une résistance accrue aux conditions extrêmes imposées par un voyage interstellaire. Les souches bactériennes sélectionnées possédaient en grande majorité un métabolisme « anaérobie facultative » de sorte qu’elles pourraient recourir ou non à la respiration en fonction du milieu dans lequel elles seraient dispersées. Ainsi le schéma de l’évolution terrestre n’était pas forcément privilégié et l’on pouvait s’attendre à voir apparaître de nouveaux modèles biochimiques toujours basés sur la chimie du carbone, mais pouvant utiliser bien d’autres substances. Car comme chacun sait, la vie montre un caractère d’adaptabilité extrême.
Les tests de résistance au froid des échantillons venaient juste de prendre fin et après une période d’essais jugée probante par tous les experts, on s’apprêtait à lancer la première salve. La sonde «Life Storm I » était sur le point d’être treuillée dans le compartiment supérieur d’un lanceur Ariane, chargée de plus de 100000 cartouches qui, contrairement à leurs homonymes militaires avaient pour but ultime de faire foisonner la vie. Et si tout se déroulait selon le planning préétabli, dans un peu moins d’une semaine, se déverserait dans l’immensité de l’espace un feu nourri de capsules de vie.
Commentaires